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Les gardiennes du temple
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Les gardiennes du temple

Rendez-vous, Halloween, Club, Berlin.

Le premier novembre dernier je suis sortie dîner. Ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé, et même si ce n’était pas un dîner de nature romantique, j’étais quand même nerveuse.

Le restaurant était bon, peu cher et sympa. Je m’y suis sentie bien parce qu’il m’a rappelé ce café que j’adore à Turin. Ce sont les suspensions rondes comme des ballons de foot qui pendaient au plafond tous les 3 mètres qui m’y ont fait pensé. J’adore ces lustres. Ils ont toujours été mes préférés. Bref. L’endroit m’a paru familier ce qui m’a aidé à calmer mes nerfs. J’avais besoin de ce genre de coup de pouce pour me rassurer parce que ça faisait longtemps que je ne m’étais pas retrouvée en tête-à-tête avec une jolie fille.

J’ai donc retrouvé Valentina dans une rue de Prenzlauer Berg, un quartier qui jouxte le mien. J’y suis allée à vélo. À ce moment-là la température était encore raisonnable pour se déplacer en 2 roues, même si ça n’a pas évité que le crachin me tombe dessus pendant les vingt-cinq (25) minutes de trajet.

Valentina était venue en transport public. Elle était arrivée à l’heure, elle. Quand je l’ai retrouvée elle m’attendait devant le café fermé exceptionnellement au public, puisque privatisé ce soir-là. Mes quelques minutes de retard lui avaient donné le temps de trouver une autre option. C’est ainsi que nous nous sommes rabattues d’un commun accord sur le restaurant italien que ni elle ni moi ne connaissions.

Nous y sommes arrivées après une courte marche. Elle alla s’installer à la table qui fut la nôtre pour les prochaines heures pendant que je parcourais la rue à la recherche d’un endroit où attacher ma bici. C’est en me redressant après avoir fermé mon cadenas, que j’ai vu cet adorable couple de citrouilles posté à l’entrée d’un immeuble. En saison d’Halloween, c’est quelque chose de courant à Berlin de tomber nez à nez avec ce genre de trucs.

Un couple de citrouilles déguisées pour Halloween
Les gardiennes du temple.

J’ai mis du temps à savoir s’il s’agissait d’un couple de concierges, de dealers ou d e fêtardes, que sais-je… Mais le scénario qui m’a le plus plu est celui du couple de physionomistes, dans cette distribution de rôles si attendu du good cop / bad cop. L’une des citrouilles, celle de gauche, sculptée d’un sourire, déguisée d’une perruque de filaments discos surplombée d’une vraie feuille d’arbre, à des yeux rieurs. Elle inspire la fête et l’exubérance alors que son acolyte est suffisamment intimidante et méprisante pour vous faire comprendre que le ticket d’entrée n’est garanti pour personne. Son visage lacéré d’une bouche déformée par la langue de piment vert qui pend sur le côté et ses yeux froncés de colère le communiquent clairement. Ces citrouilles sont comme des gardiennes du temple, du genre de celles qui président l’entrée du Berghain ou du Tresor, ces lieux incontournable de l’électro ici à Berlin.

Les deux citrouilles posées au pas d’une porte abîmée par le temps ignorent le quotidien de la rue. Elles ne seront là que pour quelques jours. Que savent-elles des personnes qui vivent dans cet immeuble dont elles gardent la porte ? Que savent-elles des 21 appartements où logent des familles, des couples, des étudiants en coloc ou des célibataires ? Savent-elles, ces citrouilles, qu’un graffiti “GOG Ska” est écrit juste au dessus d’elles ? Ont-elles remarqué que la plupart des gens s’aident de leur pied pour ouvrir la porte, ou que les feuilles ne tombent plus des arbres, parce qu’elles sont déjà toutes tombées ?

Nous sommes à mi-parcours de l’automne. Les citrouilles sont déjà sur le point de disparaître alors que les magasins changent déjà leur vitrine pour exposer les décorations de Noël.
Tout va trop vite.

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